COP 26 de Glasgow :  Sommet décisif, résultat en demi-teinte.

COP 26 de Glasgow :  Sommet décisif, résultat en demi-teinte.

Par Théo Coutant, Décembre 2021

 

Alors que 2020 a été l’une des trois années les plus chaudes de l’histoire, la Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques, généralement désignée comme la COP 26 par abus de langage[1], promettait d’être le temps fort de l’année 2021 en matière de réflexion et de négociation pour le climat à l’échelle internationale. Initialement prévue au mois de novembre 2020, la conférence a été reportée d’un an suite à la pandémie mondiale de Covid-19 et s’est donc déroulée au début du mois dernier en Écosse, à l’initiative conjointe du Royaume-Uni et de l’Italie.

 

Après l’échec de la COP 25 de Madrid, qui avait vu les pays émergents les plus pollueurs (Chine, Inde, Brésil) freiner leurs ambitions en termes d’émission de CO2 au motif que les pays développés ne respectaient pas leurs promesses d’aides financières à la transition écologique des pays en développement, les négociations de la COP 26 étaient attendues comme un tournant. En effet, le rôle premier de la Conférence de Glasgow était de proposer aux pays signataires de l’Accord de Paris (COP 21) de réévaluer leurs engagements et de détailler les moyens concrets permettant de rester en phase avec l’objectif principal de ce dernier : limiter le réchauffement climatique global à 1,5°C en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.

 

Un résultat en demi-teinte

 

La mission s’annonçait d’autant plus ardue que le dernier rapport du GIEC, émis au mois d’août 2021, considérait l’objectif des 1,5°C comme illusoire au vu de notre rythme de vie actuel, et qu’Antonio Gutteres, secrétaire général des Nations-Unies, avait annoncé, début septembre, s’inquiéter d’une trajectoire qui nous mènerait à un réchauffement climatique de 2,7°C en 2100[2]. Malheureusement, ce n’est pas encore le résultat de cette COP 26 qui permettra à l’humanité de faire face à cet immense défi.

 

En effet, et au plus grand désarroi de nombre d’activistes et de chercheurs, le cycle de négociation n’a abouti que sur un texte faible, insuffisant, qui demande simplement à chaque pays de revoir ses positions afin de rester en phase avec l’Accord de Paris tout en précisant que « des circonstances nationales », c’est-à-dire des exceptions au regard de la situation politique, économique ou environnementale de chaque pays, seront prises en compte. Cette dernière nuance, minime du point de vue de la sémantique, s’avère lourde de conséquences puisque derrière le flou de ces « circonstances nationales » se cache en réalité un accord à géométrie variable qui n’offre aucune garantie en matière d’engagement des États souverains à, par exemple, réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

 

Le frein du financement climat pour les pays les moins développés

 

Mais quel est donc le point bloquant empêchant notamment les grandes puissances et les pays émergents de trouver un accord quant à la marche à suivre ? Eh bien, comme souvent lors des grandes négociations internationales, il s’agit de l’argent. En effet, un des enjeux clefs de cette COP 26 concernait le financement climat en faveur des pays les moins développés. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Le financement climat est une mesure remontant à la COP 15, ayant eu lieu en 2009 à Copenhague, au cours de laquelle les pays les plus développés se sont engagés à financer l’adaptation des pays pauvres qui se retrouvent en première ligne face au réchauffement climatique à hauteur de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Ce financement a trois objectifs[3] : tout d’abord dédommager les pays les moins développés qui se retrouvent aujourd’hui confrontés à une urgence climatique due au développement des pays du Nord, ensuite permettre à ces pays de s’adapter et de survivre face au réchauffement climatique et, enfin, les aider à décarbonner[4] leurs économies et leurs modèles de croissance.

Cet engagement, qui avait pourtant été confirmé lors de l’Accord de Paris, n’est toujours pas rempli de la part des pays les plus développés au motif que la Chine, plus gros pollueur mondial en 2020, voudrait se ranger du côté des pays en développement étant donné que ses émissions historiques sont encore loin de celles des occidentaux. Ce point bloquant empêche donc toute avancée significative sur le sujet et ne fait que renforcer le sentiment de frustration des pays du Sud[5] se retrouvant à payer l’addition du développement des Pays du Nord.

 

Mais alors, qui blâmer pour l’échec de la COP 26 ? L’Inde et la Chine ont été particulièrement montrées du doigt, notamment pour la modification de dernière minute que ces deux pays ont réussi à amender au texte de la COP 26. Cette modification portait sur la résolution stipulant la « sortie du charbon » des États signataires, qui a été finalement remplacée par le terme « réduction du charbon », provoquant une énième modification minime pourtant lourde de conséquences. Cependant, il serait trop facile et sans doute injuste de faire porter l’entière responsabilité du balbutiement de la COP 26 à ces deux pays alors que la question du financement climat stagne et que l’administration Trump, par exemple, a passé les quatre dernières années à torpiller l’Accord de Paris.

 

Un sommet vivement critiqué en marge des négociations

 

Cette COP 26 aura au moins eu un avantage : du marasme diplomatique des discussions officielles a émergé une véritable manifestation et un véritable engagement de la société civile. La ville de Glasgow est devenue, au cours de la quinzaine, la capitale mondiale de l’activisme écologique, réunissant des militants des quatre coins du monde venus faire entendre le son de leur voix face à l’inaction des États.

 

L’exemple le plus frappant est sans doute la manifestation organisée par l’association Fridays For Future où la jeune activiste suédoise Greta Thunberg, à l’origine du mouvement, a pris la parole devant une foule de plusieurs milliers de personnes majoritairement composée d’étudiants et d’écoliers afin de dénoncer les actions de la COP 26 qui « ne mèneraient nulle part », réclamant des engagements plus immédiats et des moyens plus conséquents de lutter face au réchauffement climatique. De la même manière, plus de 100 000 personnes ont défilé dans les rues de Glasgow le 6 novembre, à l’occasion de la Journée mondiale d’action pour la justice climatique, dénonçant notamment l’égoïsme et la responsabilité des entreprises face à la problématique climatique ainsi que l’incapacité des grands dirigeants politiques à agir efficacement.

Que retenir de cet accord ?

Même si trop rares au sein d’un accord globalement insuffisant, quelques bonnes nouvelles sont tout de même à enregistrer au sortir de cette COP. Bien que décriée, l’Inde, au côté de 80 autres pays, s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2070 sans toutefois détailler les moyens qui seraient mis en place pour parvenir à cet objectif. De même, une des rares avancées « majeures » de cette COP 26 concerne le financement des énergies fossiles puisque la France, sous la pression de l’opinion publique, a finalement choisi de rejoindre une alliance de 19 pays (dont les États-Unis) pour la fin des financements fossiles à l’international d’ici 2022.

Malgré tout, ces quelques avancées ne suffiront certainement pas à éclaircir un tableau ayant fait dire à François Gemenne, chercheur membre du GIEC, que l’accord de la COP 26 « est très mauvais, et la seule consolation, si on veut voir le côté positif, c’est que ça aurait pu être encore pire ».

À l’image d’Alok Sharma, président de la COP 26, qui, personnellement touché par le déroulement du sommet, n’a pu retenir ses larmes lors du discours de clôture, cette COP restera sans doute celle de l’incapacité des États et des dirigeants à s’entendre. Mais, à défaut d’obtenir le consensus de tous et, comme l’ont montré les nombreuses manifestations en marge de l’évènement, la solution à la lutte contre le réchauffement climatique pourrait peut-être passer par la volonté et l’engagement de chacun. En effet, l’opinion publique et la mobilisation de la société civile restent de puissants outils d’influence susceptibles de faire pencher la balance auprès des politiques et, pourquoi pas, de permettre à la prochaine COP, qui se tiendra en Égypte au mois de novembre 2022, de connaître un dénouement différent de la COP 26.

Les notes de bas de pages :

[1] La dénomination officielle du sommet est « Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques », cette conférence est à la fois l’hôte de la 26ème Conférence des parties (COP 26), de la 16ème réunion des parties du Protocole de Kyoto (CMP 16) et la 3ème réunion des parties de l’Accord de Paris 2015 (CMA 3).

[2] Communiqué de presse des Nations-Unies, Septembre 2021, https://news.un.org/fr/story/2021/09/1103972

[3] Bilan de la COP 26 : un nouveau rendez-vous manqué pour le climat, Oxfam France (2021), https://www.oxfamfrance.org/climat-et-energie/bilan-de-la-cop26-un-nouveau-rendez-vous-manque-pour-le-climat/

[4] Décarboner : réduire les émissions de carbone

[5] Intervention de Thomas Piketty, France Inter, 2021, https://www.youtube.com/watch?v=rVoooKjYUUE