Soyons au rendez-vous!

Chers sympathisants, Chers membres, Chers amis écologistes, Chers militants qui rêvent d’un monde meilleur,

C’est en cette période de confinement que CIE souffle sa dixième bougie. Pour la première fois en 2010, j’expliquais devant une classe le risque de pandémie due à une diffusion zoonotique dans une intervention sur la déforestation. Les thématiques tournant autour de l’élevage industriel et du changement climatique avec le permafrost font également la part belle à la présentation de ces risques. Nous en avons parlé des milliers de fois par la suite grâce à l’investissement de nos salariés, de nos volontaires et de nos bénévoles. Malgré tout, soyons tout à fait honnête, aussi passionné soit l’animateur, il va sans dire qu’il a lui-même du mal à s’imaginer que cela puisse réellement survenir. Moi-même, concentré sur les questions d’énergie, d’économie, j’avais bien plus de mal à me représenter ce à quoi ressemblerait une pandémie. Pourtant, nous y voilà : nous aimerions ne jamais avoir eu raison et nous pouvons être aujourd’hui certain qu’il ne s’agit certainement pas de la dernière fois que nous ressentirons cela dans notre existence. Si le coronavirus semble mettre à terre notre économie capitaliste, alors qu’en sera-t-il des conséquences les plus dramatiques du changement climatique ? Faut-il vraiment les comparer ? Ne s’agit-il pas finalement d’un seul et même sujet ?

Sur les réseaux sociaux, il n’est pas rare que l’interrogation sur les origines du fameux covid-19 se contente de rejeter la faute sur les étranges pratiques culturelles de populations asiatiques. Pourtant, cette pandémie est révélatrice du véritable problème que CIE, comme bien d’autres acteurs, met en évidence au quotidien : le défi écologique. Car oui, il ne fait plus aucun doute que c’est bel et bien la destruction accélérée des habitats naturels et des écosystèmes qui provoquent un dérèglement qui n’est pas seulement climatique mais aussi biologique. Depuis 1940, on a ainsi pu observer l’apparition de centaines de microbes pathogènes dans des régions où ils n’avaient jamais été observés auparavant tels que le VIH (provenant du lentivirus du macaque), Ebola en Afrique de l’Ouest ou Zika en Amérique. La grande majorité de ces diffusions provient des animaux et tout particulièrement des animaux sauvages dont l’habitat dégradé ou détruit les oblige à se rapprocher des lieux fréquentés par les humains. Les chances qu’un virus passe d’un animal (au sein duquel il est inoffensif) à un être humain du fait d’une proximité accrue et d’un contact répété sont alors grandement multipliés partout à travers le monde. Les coronavirus en sont d’ailleurs de parfaits exemples.

Les changements climatiques alliés à l’urbanisation, à la déforestation et aux très nombreuses pollutions aggravent fortement la situation. D’abord, la disparition ou la migration de très nombreuses espèces empêche « l’effet de dilution ». Effectivement, de très nombreuses espèces constituent de très mauvais vecteurs de virus et nous protègent naturellement des risques de pandémie en limitant les transmissions. Ensuite, lorsque l’on fait disparaître les forêts, le ruissellement est facilité sur un sol ensoleillé ce qui forme des flaques favorables à la reproduction des moustiques potentiellement porteurs de certains pathogènes tels que le paludisme. Les moustiques porteurs seraient ainsi deux à trois fois plus nombreux dans les zones déboisées. De même, l’absence de certains animaux régulateurs chassés de leurs habitats facilite la propagation des tiques ce qui implique le même type de problèmes. A tout cela, nous pouvons ajouter des effets similaires de l’élevage industriel, de l’entassement d’animaux, de leurs excréments, autant de parfaits paradis pour l’émergence et la mutation de microbes (telle que la bactérie E coli).

Le programme Predict aux Etats-Unis a permis d’identifier près de 1000 nouveaux virus liés à toutes ces dégradations écologiques. Pourtant, pour des raisons budgétaires, l’administration Trump entend mettre fin à ces recherches. À travers le monde, la même rengaine semble sévir : l’individualisme, le retrait de l’État, la compétition et le darwinisme social comme parfait régulateur de l’économie. Cette idéologie porte un nom et il s’agit d’ailleurs de l’un des thèmes abordés par CIE : le productivisme néolibéral. Aussi, en 1980, la France disposait de 11 lits d’hôpitaux pour 100 habitants contre seulement 6 aujourd’hui. De même, 8 milliards d’économies ont été réalisées dans ce secteur depuis 2010. La tarification à l’activité initiée en 2004 a permis de mettre en concurrence l’hôpital public avec les cliniques privées donnant ainsi l’occasion à des revues telles que l’express d’établir un classement périodique des meilleurs lieux pour se faire soigner. Le service public de soin ne doit donc plus avoir pour objectif de répondre à un besoin mais d’être rentable : augmenter les séjours, fermer des lits, compresser les salaires. Les infirmières à 1000 euros et l’hôpital considéré comme une entreprise parmi d’autres. Néanmoins, dans le même temps, la France reste considérer comme un État Providence en se positionnant en troisième position mondiale pour les dépenses de santé (calculées en pourcentage du PIB). Un nouveau palmarès trompeur puisqu’elle descend malgré tout à la deuxième place lorsqu’on rapporte ce chiffre au nombre d’habitants. Elle fait également partie des 5 pays de l’OCDE accordant les plus faibles salaires aux infirmiers.

Loin d’établir ce sombre constat, la plupart des médias ont conservé leur fonctionnement habituel mais, confinés, nous avons plus que jamais l’occasion de la remarquer. À chaque période son sujet phare, repris sur toutes les chaînes, toutes les émissions de radios, toutes les couvertures. Le début du confinement a été l’occasion de mettre en avant la gravité de la situation, d’insinuer la peur, de culpabiliser la population. Dès la fin du mois de mars, nous étions sommés de célébrer le courage de nos soignants, la résistance de nos hôpitaux. Bien rares ont été les analyses permettant de s’interroger sur l’origine de cette situation, sur l’état alarmant de notre système de santé, sur les grèves qui ont été méprisées quelques mois auparavant. À l’approche de la mi-avril, les experts médiatiques nous invitaient à nous interroger : sur la crise économique à venir, sur l’après-confinement avec, à chaque fois, une question centrale : comment revenir à la croissance le plus rapidement possible ?

Nombreux sont ceux qui pensent que la situation exceptionnelle que nous vivons ne permettra aucun progrès notable et que la seule maxime pouvant advenir sera « Business as usual ». Loin de moi l’idée de sous-estimer ce risque. Cependant, il faut noter que cette période a permis de montrer au grand jour l’utilité de l’État Providence dans une économie transformée par l’idéologie néolibérale qui a, par exemple, transformer bon nombre de salariés en autoentrepeneurs sans protection sociale véritable en cette période mais aussi favorisé la délocalisation de la fabrication de biens stratégiques tels que les masques de protection ou les principes actifs de nombreux médicaments essentiels.

Déjà fragilisée par différents épisodes récents (mobilisation écologique, gilets jaunes, tendance électorale), l’idéologie néolibérale doit être combattue par les écologistes et les militants associatifs. Il est responsable de l’accélération de la destruction écologique et quelque part de cette pandémie comme de celles à venir tout en ayant réduit l’État à peau de chagrin. Sans services publics efficaces, en l’absence d’une véritable lutte contre les inégalités, en laissant quelques individus s’approprier l’essentiel des richesses en poursuivant la destruction de nos écosystèmes, de notre monde, nous prenons le risque d’un effondrement sociétal et écologique dont on ne pourra rien tirer de positif.

Il est de notre responsabilité que nos concitoyens soient nombreux à faire le lien entre la pandémie et l’écologie mais aussi entre les enjeux sociaux et les enjeux écologiques. De la réalisation de cet objectif dépend la réussite d’une transition écologique ou d’un effondrement productif. C’est la raison pour laquelle CIE souhaite lancer une opération d’envergure en proposant une intervention éducative à tous les types de publics dédiée aux liens entre écologie et le confinement que nous vivons. Nous vous invitons à nous aider à maximiser le nombre d’interventions en vous mobilisant auprès de nous, en proposant à votre réseau d’accueillir des animations, en organisant votre propre rencontre autour de ce thème. À bien des égards, l’être humain a volé le feu, apprenons à la rendre avant que le mythe prométhéen de se transforme en sombre prédiction.

Floyd Novak – Président de l’association CIE
Le 15.04.2020

Pour nous soutenir n’hésitez pas à faire un don sur HelloAsso CIE ici