Les énergies renouvelables sont-elles des énergies durables ?

écrit par Juliette Brissard

L’énergie, l’énergie… C’est celle qu’on consomme, celle qu’on gaspille aussi. Il y a 500 000 ans, la seule énergie qu’on pouvait utiliser, c’était la nôtre, puis le feu a été la première marche de l’apprentissage énergétique. Avec l’accroissement simultané de la population et des niveaux de vie, les besoins en énergie sont amenés à être de plus en plus sous tension.
Les énergies renouvelables sont perçues comme le nouveau credo de demain et l’enjeu énergétique devient une priorité mondiale : « garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable » est le7ème des 17 objectifs du développement durable fixés par l’ONU. Dans le tableau de bord de cet objectif du développement durable, il est précisé la nécessité «d’accroître l’utilisation des énergies renouvelables au-delà du secteur de l’électricité » dans le bouquet énergétique mondial d’ici 2030. Pour autant, les énergies renouvelables sont-elles durables  ?

Énergies renouvelables et développement durable : le pari du futur

L’énergie représente environ 60% des émissions mondiales de gaz à effet de serre ; les énergies renouvelables représentent 17,5% de la consommation finale d’énergie (2015). Une énergie est dite renouvelable lorsqu’elle est produite par une source que la nature renouvelle en permanence. Ces sources sont abondantes : l’énergie hydraulique (leader du secteur), solaire(photovoltaïque ou thermique), éolienne, marine (vagues, courants, marées),de la biomasse (méthanisation), géothermique (chaleur des sous-sols). La conservation de l’équilibre général et du patrimoine naturel est inscrite dans la définition du développement durable : les énergies renouvelables,s’appuyant sur des sources inépuisables, répondent parfaitement à cette condition. Elles s’avancent donc comme pièces maîtresses de la transition énergétique, et plus précisément automobile (véhicules hybrides, électriques,à hydrogène). Pourtant, qui n’a pas entendu parler du paradoxe de ces voitures vertes dont on ne sait pas recycler la batterie ?
A n’en pas douter, la croissance des énergies durables dans le mix énergétique a – et continuera d’avoir – des bénéfices non négligeables en termes de croissance économique (c’est d’ailleurs le 8ème objectif du développement durable), et la machine économique, qui ne s’arrête jamais, a d’ailleurs besoin de se tourner vers des énergies qui ne sont pas en train de devenir des ressources rares.
Depuis quelques années, l’énergie solaire et éolienne commence à produire de l’énergie de façon moins onéreuse que le pétrole ou le charbon : c’est une révolution ! 85% de l’énergie utilisée dans le monde est fossile. D’ici 2050,les besoins énergétiques vont doubler (pour 9 milliards de personnes sur la planète). Parmi les opportunités d’avenir et dans ce secteur d’investissements qui monte en flèche, le soleil est en première ligne : avec la fusion nucléaire,on cherche à obtenir « le soleil en bouteille » sur Terre, à reproduire ce qui se passe au cœur du soleil. Le projet ITER, dans le sud de la France, cherche à auto-entretenir la réaction de fusion nucléaire, sur le modèle de production d’énergie des étoiles. Mais ce projet n’aboutira pas avant la fin du siècle.[2] Aujourd’hui, ce sont les centrales solaires qui ont la côte : les parcs solaires prennent de l’espace, dans les openfields, dans les villes…

La durabilité des énergies renouvelables, à quel prix ?

De surcroît, si elles sont renouvelables et si elles émettent peu de déchets et de gaz à effet de serre, leur pouvoir énergétique est beaucoup plus faible que celui des énergies non renouvelables. Ainsi, renouvelable n’est pas synonyme de durable. Le bois est renouvelable, mais sa combustion libère du carbone dans l’atmosphère. Certes, que les énergies à privilégier soient renouvelables, c’est indubitablement le choix le plus raisonnable étant donné la pression sur les énergies fossiles, mais c’est la question de leur durabilité qui devrait primer : à quoi sert une énergie renouvelable si elle pollue tout autant que son équivalent fossile, si elle coûte trop cher, si elle entretient un système déjà à bout de souffle ? Les matériaux des panneaux solaires et des éoliennes parcourent des milliers de kilomètres depuis la Chine pour arriver dans nos campagnes, où leur obsolescence technologique reste la norme, le tout alimentant la spéculation des marchés géostratégiques de l’énergie.
L’énergie renouvelable ne se vaut donc pas toujours, et parfois une énergie non-renouvelable est largement plébiscitée parce qu’elle est plus durable, au sens où sa production est suffisante : une énergie renouvelable dont on ne pourrait utiliser qu’un dixième de l’énergie totale produite peut-elle décemment être qualifiée de « durable » ? Comment ovationner l’infini potentiel de l’énergie hydraulique des barrages lorsqu’ils engrangent des catastrophes sociales ou écologiques (libération de gaz à effet de serre ?, submersion de terres fertiles et d’écosystèmes, déplacements de population en Chine, au Brésil, en Ouganda ou au Congo) ?
Concluons sur le tant controversé nucléaire : peu de gaz à effet de serre, par rapport aux hydrocarbures et au charbon, est libéré (à niveau de production équivalent, pour 100 tonnes de CO2 relâchées pour le charbon, le nucléaire ne produit « que » 20 grammes de déchets), ce qui l’érigerait au rang des énergies non-renouvelables durables, mais l’enfouissement des déchets nucléaires ne les fait pas disparaître pour les générations futures. Alors, que faut-il faire aujourd’hui ? Choisir nos énergies au-delà du fait qu’elles soient ou non renouvelables ? Choisissons, en conscience et en connaissance de leur impact. Il ne suffit pas que la planète et l’économie tournent à l’énergie renouvelable, il faut aussi se demander si la façon dont cette dernière est produite est durable.
Mettons notre énergie, notre dynamisme, notre force de vivre, cette énergie renouvelable sans cesse en nous, au service de causes durables.

Sources

– IEA, IRENA, UNSD, World Bank, WHO. “Tracking SDG 7: The Energy Progress Report – 2020”, InternationalBank for Reconstruction and Development / The World Bank, 2020, p. 70-91,https://trackingsdg7.esmap.org/data/files/download-documents/tracking_sdg_7_2020-full_report_-_web_0.pdf, consulté le 13 décembre 2020 (en anglais)
– CONNAISSANCES DES ENERGIES. « Energie », Connaissance des énergies, 2013,https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/energie, consulté le 13 décembre 2020[1]ONU. « Energie propre et d’un coût abordable », Objectifs de développement durable, s. d.,
– ONU. « Energie propre et d’un coût abordable », Objectifs de développement durable, s. d.,https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/energy/, consulté le 13 décembre 2020
– DEVELOPPEMENT DURABLE. « Le développement durable et les énergies renouvelables », Développementdurable.org, s. d., http://www.developpementdurable.org/energies-renouvelables.html, consulté le 13décembre 2020
– Fr Documentaire. (2020). Les énergies du futur [Documentaire]. France : Fr Documentaire.https://www.youtube.com/watch?v=BD5n6XPC67Y&list=TLPQMDMwMTIwMjFZU5I7v-6EBg&index=2,consulté le 3 janvier 2021
– EASTES Richard-Emmanuel. « Energies renouvelables… ou durables ? », The Conversation, 8 janvier 2016,https://theconversation.com/energies-renouvelables-ou-durables-52831, consulté le 3 janvier 2021