Le Nutri-Score : outil fiable ou incitation à la consommation ?

Noémie Gall, mars 2022

Pour comprendre l’ampleur du débat autour du Nutri-Score, laissez moi vous présenter le principe de cet outil. Le Nutri-Score est un système de notation nutritionnelle sous forme d’étiquette à cinq niveaux de A à E et du vert au rouge.

Il a pour but de faciliter la compréhension des informations nutritionnelles sur les produits agroalimentaires pour les consommateurs afin de les aider à choisir des produits en les comparants grâce aux notes attribuées.

 

Il suffit de remonter quelques années en arrière, en 2016, pour que le Nutri-Score arrive en France. Ce système d’étiquetage a vu le jour à la suite d’une demande du Ministère des Solidarités et de la Santé afin de faciliter l’accès à une alimentation équilibrée et favorable à la santé dans la prévention des maladies cardiovasculaire, de l’obésité et du diabète.

 

Ce système est inspiré du travail du professeur Serge Hercberg, épidémiologiste et nutritionniste français à la tête de plusieurs études au sujet de la nutrition en santé publique.

 

Le règlement européen « INCO »[1] rend obligatoire l’affichage de la composition nutritionnelle du produit. Mais les informations ont été déclarées difficiles à comprendre. Pendant des années, nous avons tous essayés de calculer en vain les calories d’une barre chocolatée afin de se rassurer mais pour toujours finir par la manger et en racheter. Aujourd’hui, selon les créateurs du Nutri-Score, il est possible de savoir en un clin d’œil si le produit est bon pour la santé ou non grâce aux notes attribuées sur les produits.

 

L’algorithme du Nutri-Score

Le calcul qui attribue les notes prend en compte la teneur en nutriment à favoriser ou à éviter. Il se fait entre des éléments dits favorables, c’est à dire que l’on peut ou doit consommer et des éléments défavorables, c’est à dire des éléments dangereux pour la santé.  Ce calcul est identique pour la plupart des produits excepté le fromage, les matières  grasses végétales/animales et les boissons.

Nous retrouvons donc les éléments suivants : 

Éléments favorables / 100g Éléments défavorables /100g

– Teneur en fruits ; légumes, légumineuses, oléagineuses

– Teneur en fibre

– Teneur en protéine 

–  L’énergie (teneur en calories)

– Taux de sucre

– Taux de graisses saturées

 – Teneur en sel

 

Le résultat[2] est compris entre -15 et +40 et se classe par :

Vert A : -15 à -2  (le plus favorable)

Vert B : -1 à 3

Jaune C : +4 à +11

Orange D : +12 à +16

Rouge E : + 17 à +40 (le moins favorable)

De ce fait, un score faible indiquera une “bonne note” et inversement.

Ce système repose donc sur un équilibre entre différents éléments.

 

Une efficacité basée sur des études scientifiques

Un bilan[3] sur trois ans a été publié par le gouvernement en 2021. Les conclusions mises en avant sont que, 500 entreprises se sont engagées en faveur de ce logo (dont Harrys, Charles & Alice ou encore Kellog’s) et 94% des français sont favorables à sa présence et que le score a changé au moins une habitude pour un français sur deux.

Le graphique est tiré du bilan cité ci- dessus. Il montre la répartition des produits vendus en Grandes et Moyennes Surfaces (GMS) par classe de Nutri-Score.

On retrouve la classe A en tête du classement avec 31,7% et en seconde place la classe D avec environ 21%. On trouve déjà 10 points de différences entre les deux premières classes les plus représentées. Ensuite les classes B et C sont représentées à 18,2% et 19,6% et la classe E est représentée à 9,6%. On peut donc conclure à une domination des produits classés en A. Les classes B,C,D sont plus ou moins représentées à la même échelle et la classe E est la moins représentée.

 

L’analyse des éléments choisis

Le Nutri-score fait deux camps, celui des bons aliments c’est-à-dire les moins caloriques comme les légumes et celui des mauvais aliments, comme le gras.

Donc plus un produit sera calorique, plus l’aliment obtiendra une mauvaise note.

 

Commençons par les “mauvais aliments” :

Les acides gras saturés[4] (ou graisses saturées) qui sont des graisses animales ou végétales (beurre, lait, huile) sont la bête noire du 21 siècle car si elles sont consommées en trop grande quantité, elles peuvent amener à développer un excès de poids et donc entraîner des maladies cardiovasculaires. Mais consommées en quantité restreinte, ce n’est pas dangereux.

Il est important de surveiller son taux de sucre, mais il est essentiel de connaître la différence entre un sucre naturel et un sucre industriel pour une bonne alimentation car tout sucre naturel peut être consommé sans danger; mais ce score ne fait pas la différence entre les deux et les classe dans les mauvais éléments.

Quand on parle de l’énergie, on parle des calories, sauf que toutes les calories ne sont pas bonnes à jeter à la poubelle. Donc encore une fois il est important de bien distinguer les bonnes et les mauvaises calories. Seul le sel est en effet à limiter.

 

Concernant les bons éléments, les fibres sont bonnes pour la santé mais elles n’apportent rien en termes de nutriments. Les protéines oui mais lesquelles ? animales ? végétales ? Il est important de faire une distinction entre les deux car elles n’apportent pas les mêmes apports.[5] Pour les fruits et légumes, nous savons que c’est très peu caloriques. Cependant, on ne précise pas qu’il est préférable de consommer de saison (consultez le calendrier) et local pour une meilleure qualité nutritionnelle [6] et donc une meilleure santé (et qui permet en plus de protéger l’environnement). En effet, quand les fruits et légumes sont produits avec des conditions idéales, c’est-à-dire sans ajout de produits extérieurs, on profite au maximum de leurs valeurs en vitamines, minéraux, fibres et antioxydants.

 

Les limites du Nutri-Score

Le problème majeur est que ce score se base sur une vision erronée de la définition d’une bonne alimentation. Depuis des années, on peut entendre le slogan “manger 5 fruits et légumes par jour“ ou alors “éviter de manger trop gras, trop sucré, trop salé“. Ces slogans ne font que culpabiliser les consommateurs au lieu de leur apprendre à mieux consommer de façon plus précise. Dans ce cas-là, le Nutri-Score possède un réel impact grâce à son système de notation.

Mais dans le Nutri-Score, la part “valeur en calories” prend le dessus sur la part “valeur en micronutriment” (ensemble des vitamines, minéraux et oligoéléments, éléments indispensables). C’est-à-dire qu’on donne plus d’importance à la quantité de calories que de micronutriments alors qu’on devrait mettre en avant la part des bons éléments.

D’autre part, il ne tient pas compte des additifs (édulcorants, conservateurs) qui sont aujourd’hui très critiqués par les nutritionnistes et ne parle pas non plus des glucides.

 

 

Ce système n’étant pas obligatoire, le fabricant choisit de l’apposer sur la face visible de son produit ou non. C’est clairement une incitation à la consommation de produits ultra transformés, fléaux d’une bonne santé pour le consommateur.

Ce graphique, toujours tiré du bilan de 2021, montre la différence de répartition entre les produits de distributeurs (produits avec les logo Carrefour, Auchan…) et les produits des marques nationales (Harrys, Herta, Danone).

Sans surprise, chez les marques nationales, ce sont les produits classés A qui osnt mis en avant.
Concernant les marques des distributeurs, on retrouve une répartition plutôt équitable des notations.

Ces deux graphiques montrent la différence de marketing en fonction des produits.

Cependant, les produits notés A ne sont pas toujours les meilleurs pour la santé du consommateur mais certainement le meilleur produit pour maximiser les marges commerciales !

 

Ce système a remis en question les compositions des produits de grande consommation, mais n’étant pas obligatoire, il a permis aux industriels de remplacer les substances dites défavorables par des substituts comme les agents cosmétiques et économiques[7] (ACE) car il n’y a pas de cadre réglementaire. Les ACE sont des agents qui permettent de modifier artificiellement nos produits en améliorant la texture, l’aspect ou encore la couleur.

L’exemple du tarama, ce petit pot rose souvent présent lors de l’apéritif est un aliment ultra-transformé (AUT) car on y ajoute du colorant pour lui donner la couleur rose, on ajoute un exhausteur du goût et des ACE pour la texture “œufs de poisson”.

Pour les produits frits, qui ne peuvent être consommés sous la même forme que ceux vendus, il est recommandé au fabricant d’informer le consommateur que la valeur nutritionnelle va changer car on va devoir ajouter de la matière grasse (huile) pour les faire cuire donc on passe d’une note classe A à une note classe D. Mais encore une fois, ce n’est pas obligatoire donc peu de producteurs le font.

 

La ration sur laquelle se base le calcul : 100g

On ne parle pas des quantités réelles absorbées, ce qui n’est pas révélateur.

Prenons l’exemple de l’huile d’olive. Toutes les huiles, bio ou non, obtiennent toujours la note D car elles apparaissent trop grosses et trop caloriques car elles sont jugées sur 100g sauf que personne ne mange 100g d’huile.

 

Un soda light obtient une meilleure note qu’un fromage AOP car le Nutri-score va qualifier de dangereux pour la santé le sel et les matières grasses, éléments présents dans le fromage mais qui en quantité modérée peuvent faire partie d’un régime alimentaire équilibré.

 

Ce système de notation connaît une vive critique de la part des firmes industrielles[8], qui pensent que cela va nuire à leur rendement mais finalement, la tendance montre qu’au contraire, le Nutri-Score accorde une note B, donc une bonne note, à des produits comme des barres de céréales Nesquik et une note D à des produits comme le fromage. 

 

Concernant les nutritionnistes, les critiques se basent notamment sur un manque d’information sur la composition des aliments et ils jugent que les aliments ne sont pas jugés sur les bons éléments.

 

Pour conclure, le Nutri-Score[9] est un système qui permet une lecture facile et répond à une attente des consommateurs. Il part d’une bonne intention de la part du gouvernement mais étant donné que les industriels s’en servent à leur bon vouloir, il est facile de mettre en avant des produits A au détriment d’autres produits, incitant toujours plus le consommateur à consommer.

Le jour où le Nutri-score permettra de comprendre en détails les bons éléments et les mauvais éléments, et indiquer plutôt les quantités des éléments tout en favorisant une alimentation de saison et locale, on pourra juger ce système plus légitime.

Aujourd’hui, les problèmes de santé liés à une mauvaise alimentation persistent même en France, il est toujours compliqué de faire comprendre l’importance d’une alimentation variée et d’éviter au maximum les produits ultra-transformés, surexposés en permanence dans les grandes surfaces.

[1] Nutri Score, Santé publique France https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/articles/nutri-score

[2] Nutri-score https://fr.wikipedia.org/wiki/Nutri-score

[3] Evaluation à 3 ans du logo nutritionnel Nutri Score, 2021 https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/nutriscorebilan3ans.pdf?TSPD_101_R0=087dc22938ab200060816a6d884252d4bd57c3cf3e65a386f582bd098da9f72671bac932d0d1f8fb08a5e386161430001306117975f74bc01fd7b60e2e55f23bc01efce635401cbf2385688ccd6c6c16a56c3430db86d52f2b2b2fcb6d42d65a

[4] Acides gras saturés, Ooreka

https://alimentation.ooreka.fr/astuce/voir/564981/acides-gras-satures

[5] Vidéo : Jérémy Dalzon : LE #NUTRISCORE​ EST-IL UN OUTIL FIABLE ? ANALYSE ET CRITIQUE

[6]  Les légumes, Fitadium, https://www.fitadium.com/conseils/legumes/

[7] Aliments ultra-transformés, Thierry Souccar, 2017 chttps://www.lanutrition.fr/aliments-ultra-transformes-reperez-les-grace-aux-ace

[8]UFC Que Choisir, 2019, https://www.quechoisir.org/actualite-nutri-score-campagne-de-desinformation-sur-les-reseaux-sociaux-n66787/

[9] Que penser du premier bilan,Sarah Amiri,  2021

https://www.lanutrition.fr/nutri-score-que-penser-du-premier-bilan-officiel