La publicité et son impact environnemental : tour d’horizon

Qu’est-ce que la publicité ? Littéralement, le fait de rendre quelque chose public. Mais plus précisément, la publicité sert à faire connaître un produit, un service, une marque ; et cherche à inciter les consommateurs à l’acquérir. Elle pousse donc à la consommation, voire de plus en plus à la surconsommation. Elle est souvent accusée de créer un besoin qui n’existait pas chez les consommateur.ice.s, qui finiront par dépenser leur argent pour acheter le produit. Pour cela, sa stratégie naît de la répétition : on est en moyenne exposé.e.s à 3000 et jusqu’à 7000 messages publicitaires par jour. Cette surexposition réduit leur impact : on voit plus de publicités, donc on se souvient moins de chacune d’entre elles. Alors, pour être sûrs d’être vus, les publicitaires surenchérissent avec toujours plus de publicités, toujours plus de formats : c’est un véritable cercle vicieux1.

            Certaines publicités peuvent aussi être montrées du doigt pour le message qu’elles portent. Notamment, elles poussent à l’achat de produits censés durer de nombreuses années : elles vont de pair avec le principe d’obsolescence programmée. Ce concept correspond à la durée de vie volontairement limitée de certains produits (notamment électroménagers, mais pas seulement) pour pousser à en racheter de nouveaux, grâce à la publicité. D’autres messages publicitaires sont pointés du doigt pour leur prétendue bonne volonté écologique qui dissimulerait des pratiques peu responsables : c’est le greenwashing, ou écoblanchiment en français. Autant de pratiques qui sèment le doute sur la bonne volonté de la publicité.[1]

            Pourtant, la communication est un secteur très dynamique en France, qui s’élevait à 33,81 milliards d’euros en 2019. Le premier poste de dépenses est l’achat d’espace numérique, représentant plus de la moitié de ce montant. Cette publicité en ligne est d’ailleurs en hausse de 2,6% par rapport à 2018, hausse que l’on peut aisément supposer continuer en 2021 et au-delà. S’en suivent la publicité à la télévision, dans la presse, sur l’affichage extérieur, et enfin à la radio et au cinéma. Au total, le secteur de la communication atteint 2,1% du PIB en France. Cela vous paraît peu ? C’est pourtant plus que pour la Recherche & Développement ou que pour l’industrie aéronautique et spatiale. Avec environ 130 000 emplois en agences dédiées et plus de 150 000 directement en entreprise, la publicité est un employeur de poids[2].

                 Alors, si la publicité est si nocive pour notre environnement et pour nous-mêmes, peut-on pour autant s’en passer ? La ville de Sao Paulo au Brésil a tenté l’expérience[3]. En 2007, la métropole aux vingt millions d’habitants a choisi de se débarrasser de toute forme d’affichage publicitaire, alors qu’elle en comptait plus de 80 000. Le choix a été radical, et a inspiré beaucoup d’autres villes. Et cette mesure a surtout été très populaire auprès des habitants de Sao Paulo.

Cependant, ces décisions radicales sont difficilement imaginables à l’échelle d’un pays, en plus de posséder leurs propres inconvénients (impacts sur l’emploi, sur l’économie). Toutefois, il existe des normes, des lois, des chartes permettant de limiter l’impact de la publicité sur notre environnement. Ainsi, le Rapport « Publicité et transition écologique » (2020)[4], mandaté par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, définit des recommandations pour une publicité plus responsable. Parmi elles, faire en sorte que le secteur publicitaire élabore une trajectoire climatique ou l’établissement d’une charte climatique pour la publicité audiovisuelle. Et surtout, le premier engagement prévoit d’atteindre la neutralité carbone de la publicité à l’horizon 2050, notamment via l’interdiction de la publicité par voie aérienne, la limitation de la publicité lumineuse et l’extinction des panneaux lumineux la nuit. Et bien sûr, lutter contre le greenwashing est au centre des préoccupations.

                 Mais cet élan impulsé par les institutions ne pourra réellement avoir un impact que s’il est suivi par les acteurs de la publicité eux-mêmes. Ainsi, le groupe français de conseil en communication Havas annonce avoir réduit de 30% son impact carbone entre 2018 et 2019, et propose depuis 2020 un outil permettant à ses clients de mesurer l’impact carbone de leurs campagnes. Pour l’agence de publicité Publicis, les efforts sont tournés vers le programme No Impact For Big Impact, lancé en mars 2020. Il a pour objectif, d’ici 2021, de proposer aux clients 100% de leurs campagnes publicitaires éco-conçues, éco-produites et dotées d’un bilan carbone. Si jusqu’à ce jour, les émissions de CO2 n’étaient jamais utilisées comme critères pour concevoir une campagne publicitaire, ce sera désormais de plus en plus le cas.

                 Bien sûr, ces programmes et innovations nécessiteront des formations adéquates, au sein de ces entreprises elles-mêmes mais pas seulement. Les cours de communication responsable se multiplient dans les écoles dédiées, formant les décideur.euse.s de demain. Mais surtout, rien ne sera possible sans une intervention citoyenne active. Si les mouvements antipub dénoncent ces dérives depuis des décennies, une simple prise de conscience globale et une auto-discipline face à notre surconsommation seraient déjà un bon début. Car bien plus que des bilans carbones menées par les agences de communication ou d’établir des chartes rarement suivies à la lettre, il faudra repenser notre manière de créer et réagir face à la publicité. L’utilisation des autocollants Stop-Pub sur nos boîtes aux lettres, l’installation d’un bloqueur de publicités sur internet font partie des astuces nous permettant d’agir. Finalement, optons pour une écologie de la publicité, plutôt que des publicités écologiques !

 

[1]Publicité et Transition Ecologique, publié le 5 juin 2020 par Géraud Guibert et Thierry Libaert <https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35656-rapport-pub.pdf>, consulté le 30 novembre 2020.

[1] LÖWY Michael, RODARY Estienne, « La publicité nuit gravement à la santé », Ecologie & Politique, 2010/2011, N°39, pages 11 à 23

[2] Publicité et Transition Ecologique, publié le 5 juin 2020 par Géraud Guibert et Thierry Libaert <https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35656-rapport-pub.pdf> pages 12 à 22, consulté le 30 novembre 2020.

[3] Nicolas Lechopier, « São Paulo, ou comment mettre à zéro l’affichage publicitaire », Ecologie & Politique, 2010/2011, N°39, page 87 <https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique1-2010-1-page-87.htm>

[4]Publicité et Transition Ecologique, publié le 5 juin 2020 par Géraud Guibert et Thierry Libaert <https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35656-rapport-pub.pdf>, consulté le 30 novembre 2020.